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Le blog de Nord Charente ULM

Bienvenu sur le blog de Nord Charente ULM, le blog des passionnés d'aviation et plus particulièrement des ULM. Venez nous rejoindre et découvrir la passion du vol.

Comment R. de Crespigny a ramené au sol l’A380 QF32 de Qantas

Le 4 novembre 2010, alors qu’il vient de décoller de Singapour, un A380 de Qantas est victime de l’explosion de son moteur intérieur gauche Trent 900. Tous les systèmes de vols sont détruits ou gravement endommagés. Avec son équipage, Richard de Crespigny va néanmoins réussir à poser son avion et ses 469 occupants. Il raconte…


Richard de Crespigny, commandant de bord du vol QF32
« Lorsque quelque chose arrive là-haut, vous êtes absolument seul et vous avez intérêt à en être conscient. Et vite ». © DR

Le livre que je vous encourage à lire ici, je ne l’ai pas (encore) lu. Je viens de le recevoir en « service de presse » comme des dizaines d’autres. Avant de le mettre sur la pile des livres à lire, j’ai feuilleté les premières pages. Il faut dire que celui-ci, je l’attendais… depuis le 4 novembre 2010. Depuis le jour où Richard de Crespigny et son équipage ont réussi à poser un A380 transformé en épave volante, suite à l’explosion d’un des ses quatre gigantesques moteurs Trent 900 transformé en une véritable « bombe à fragmentation » selon l’expression du commandant de bord. J’étais impatient de savoir comme ces cinq pilotes avaient réussi l’impossible.

En se brisant, la turbine de pression intermédiaire projeta, en effet, de multiples morceaux à une fois et demie la vitesse du son, à travers le logement du moteur, l’aile et le fuselage. Plus de 600 câbles furent coupés instantanément. L’aile fut perforée de centaines de trous. 100 impacts ont été recensés dans le bord d’attaque de l’aile, les volets et la queue, 200 le long du fuselage. Des débris passèrent à travers le longeron dont les éclats provoquèrent 14 trous dans plusieurs réservoirs de carburant. Le conditionnement d’air et les tuyaux pneumatiques furent coupés, les câbles de générateurs électriques sectionnés. Si le moteur 2 était ruiné, le moteur 1 fut impossible à arrêter. Même noyé d’eau, le moteur Rolls Royce Trent 900, mettra trois heures trente sept minutes pour s’arrêter… après l’atterrissage. Pour Neil Armstrong, (qui avait lu le livre quand il est paru en anglais) « ce qui est arrivé au cours du vol QF32 est à couper le souffle ».

Richard de Crespigny affirme avoir mis en pratique, ce jour-là, aux commandes de son A380, les leçons de pilotage qu’il avait prises lors de son premier vol sur Winjeel, à l’école de la RAAF. C’était en 1976, et son instructeur le poussa dans une vrille : « il m’a forcé à me confronter à quelques-unes des forces brutes qui agissent en permanence sur tout aéronef. En une poignée de secondes terrifiantes, il m’a arraché au monde satisfait du vol stable et au charme du voyage aérien pour me confronter à la pesanteur, à la vitesse, au poids et aux épouvantables forces qui, si elles ne sont pas traitées correctement, conduisent à la mort ».

De cette vrille effectuée en 1976 avec son instructeur, Richard de Crespigny écrit donc qu’il a retenu deux leçons. La première est que « le travail qui prime tous les autres, c’est bien de piloter l’avion, d’être un aviateur ! Aucun ordinateur, aucun manuel, aucun pilote automatique ou aucune procédure opératoire standard aussi élaborée soit-elle, ne remplaceront jamais cette responsabilité-clef : maintenir l’appareil en l’air et en un seul morceau. En tant que commandant de bord dans le poste de pilotage, vous pouvez déléguer la navigation et demander à quelqu’un d’autres de s’occuper de la radio, mais vous ne pouvez céder à personne votre responsabilité de la conduite de l’avion ». Quelle leçon !


La première arrivée de l’A380 VH-0QA " Nancy-Bird Walton" à Sydney (21 septembre 2008)
© Qantas

La deuxième leçon qu’a retenue Richard de Crespigny de son vol d’instruction sur Winjeel « est de ne jamais, au grand jamais, être content de soi en matière d’aviation, ou le devenir. Le commandant de bord a autorité absolue et définitive sur l’équipage et les passagers. Depuis la simple signature pour la quantité de carburant embarqué jusqu’à la réaction la plus complexe en cas de catastrophe en plein vol, c’est sur ses épaules à lui que cette responsabilité repose. Légalement, professionnellement et personnellement. S’il a de la chance, il trouvera à répartir sa charge en délégant certaines tâches à des pilotes compétents, mais il ne pourra jamais sous-traiter le fait que les passagers pour lesquels il a signé attendent de lui qu’il leur fasse regagner le sol sans encombre ».

« Lorsque quelque chose arrive là-haut, vous êtes absolument seul et vous avez intérêt à en être conscient. Et vite ». C’est aussi un enseignement qu’il a retenu de son premier instructeur et qu’il a su mettre en œuvre, ce 4 novembre 2010.

« Tous ceux qui volent ou qui rêvent de voler devraient lire ce récit remarquable », affirme Chesley Sullenberger, commandant du vol US1549 qui a amerri dans l’Hudson, le 15 janvier 2009. Et c’est parce que j’en suis également convaincu, que j’ai voulu vous présenter ce livre sans délai. Vous découvrirez aussi comment on peut poser un A380 alors que l’alarme de décrochage se déclenche en courte finale, contre toute attente…

« Les décisions que j’ai prises ce jour-là sur le QF32 ont été dictées par mes premières leçons de pilotage à l’Ecole de la RAAF et par mon tout premier vol sur le Winjeel, suivis de trente-cinq ans d’entraînement dans l’aviation jusqu’à la veille de notre vol fatidique. Chaque leçon est précieuse ». Qui pourrait encore croire après ce sauvetage qu’un ordinateur puisse se substituer à l’expérience ? Force est de reconnaître aussi que tous les pilotes de ligne ne s’appellent pas Richard de Crespigny…

 

Gil Roy  www.aerobuzz.fr


Vol QF32, A380 en détresse
Par Richard de Crespigny
Editions Altipresse
326 pages. 24,35 €
ISBN : 979-1-090465-18-3
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